J'étais étudiante encore, je pensais concours, voyages et agenda surchargé. Je voulais des enfants, c'est sûr et je le revendiquais, mais "pas maintenant". Dans ma tête j'étais encore bien assez jeune (hum..). Je parlais de tout à mon médecin, une super doc à qui je dois beaucoup dans notre aventure PMA.
Parce qu'elle a été la 1ère à m'ouvrir les yeux sur les possibilités que "ça" prenne du temps. Elle m'interrogeait sur mon couple, et m'avait dit à l'époque "Quand vous allez vouloir un enfant, quand vous serez décidés ensemble à essayer, venez m'en parler tout de suite, ne laissez pas traîner". Pas alarmiste du tout, mais sereinement sérieuse. Il y avait mon opk déjà connue à l'époque, mes règles parfaitement irrégulières, bien sûr, mais il y avait surtout chez cette doc la conviction qu'il fallait rendre évidente et incontournable la discussion sur le sujet avec les femmes qui souhaitaient devenir mères un jour. Parce qu'elle revendiquait l'accompagnement au désir d'enfant dans sa prise en charge de généraliste, parce qu'elle connaissait les parcours PMA, les plannings interminables des spécialistes, et les cruelles désillusions des décisions trop tardives. De longues études, des rencontres amoureuses mûres plus tard ou du temps pour trouver le bon/la bonne partenaire, des carrières professionnelles à construire pile au moment du pic de fertilité, et le train est vite parti. La trentaine qui file, et la réserve ovarienne qui fuit. La claque du "si j'avais su j'aurais essayé plus tôt".
Un matin je suis donc allée voir cette doc pour lui dire "ça y est, on est prêts, on veut essayer". Elle m'a tout de suite prescrit de l'acide folique, nous souhaitant une réussite rapide. On était insouciants et déterminés. Les mois ont passé, courbes, essais, calendriers d'ovulation, batterie de tests de grossesse négatifs... autour de nous les copines tombaient enceintes comme on éternue, et nous on restait bredouilles. Plus minés que déterminés. Les ventres rebondis commençaient à sérieusement me taper sur les nerfs. Au rdv vous suivant elle nous a prescrit des examens et nous a fourni des contacts spécialisés en infertilité. Un an après nos débuts d'essais on avait donc notre premier rdv PMA avec son ordonnance, des examens déjà réalisés, des vaccins à jour, des prises de sang et résultats tout faits. Il nous a fallu ensuite un parcours avec de nombreux rebondissements, des essais et échecs, des nuages à traverser, mais au moins on avait évité le "c'est trop tard pour essayer".
Cette doc a été notre veilleuse, celle qui la 1ère m'a parlé de l'infertilité d'1 couple sur 6, celle qui fait que je ne me suis jamais sentie seule dans notre désir d'enfant, celle qui représentait la compassion et le suivi du corps médical éclairé sur ce sujet. Avec elle je savais notre parcours difficile mais partagé par beaucoup, avec elle je savais qu'on faisait tout ce qu'il fallait et qu'on n'aurait pas de regrets. On a ensuite déménagé et dû changer de doc, mais elle a reçu, des années après ce fameux rdv du "quand vous allez vouloir," un faire-part plein de mercis.
J'espère que dans les années à venir, chaque femme aura systématiquement un jour avec son médecin généraliste cette discussion autour du désir d'enfant. Et que pour celles qui le souhaiteraient, ce médecin soit aussi bienveillant et ferme à la fois qu'a été la nôtre à l'époque. Je pense qu'il peut y avoir cette forme de prévention de l'infertilité si l'on parle ouvertement et simplement de la PMA, si les couples ont conscience que faire un enfant n'est pas si évident que ça en a l'air. J'ai choisi d'en parler parce que l'ouverture d'esprit de cette doc m'a été précieuse, parce que j'entends l'isolement et la détresse des couples qui voient passer le train et restent sur le quai comme nous à l'époque, mais sans savoir à qui se confier.
J'espère que dans de nombreux rdv médicaux à l'avenir, même pour soigner un simple rhume d'une patiente, son médecin généraliste aura la conscience professionnelle de lui dire un jour "Quand vous allez vouloir un enfant si c'est le cas..."