150 et des brouettes. Le nombre de piqûres subies pendant mon aventure dans les nuages de la PMA. J'ai compté. Prises de sang comme injections. Celles de la phase de diagnostic, les prises de sang pour les dépistages, les vaccins à mettre à jour, les hormones de ma thyroïde rebelle à évaluer... Celles du volet des inséminations, fois 4. Celles du volet de la FIV et des transferts, fois 6. 150 minimum donc, et je n'en reviens toujours pas de les avoir acceptées sans broncher.
Parce qu'en plus, à part pour les prises de sang évidemment, je me suis injectée la plupart de ces piquouzes. Si on m'avait dit que j'en serais capable, je ne l'aurais pas cru. Mais je ne me voyais pas dépendre d'une infirmière, je voulais être active dans ce protocole qu'on subit. Peut-être prouver ma détermination? Je me disais qu'avec tous ces efforts, ce serait impossible-trop injuste-impensable que ça ne fonctionne pas. Je voulais souffler sur mon karma. Bref, "oui je le veux", je m'engageais à manier l'aiguille...
Je me souviens de ce rdv chez la doc qui me fait en vitesse une démonstration avec le stylo injectable, et qui termine par "voilà c'est pas difficile, vous verrez". Moi je ne voyais rien sauf mon énorme appréhension. Et quelques jours après, c'était le fameux premier essai. On s'était posés dans la chambre, il avait pris sur lui pour venir avec moi et je voyais la peur dans ses yeux (il est ma force tranquille et a assuré sur tous les plans mais il n'a jamais aimé me voir me piquer, il faut bien qu'il ait des défauts). On tourne dans quel sens déjà? Et si je m'injecte de l'air? Il faut la faire à quelle heure déjà? J'étais sur le plus haut des plongeoirs, et je devais sauter. J'ai retenu mon souffle, je tremblais comme une feuille. Mais j'avais bossé le sujet sur des vidéos, des amis en pma m'avaient gentiment invités à assister à une piqûre, j'avais répété dans ma tête. J'ai piqué, puis je me suis allongée, et longtemps après seulement j'ai pensé à respirer à nouveau. Je me souviens comme si c'était hier de cette 1ère injection.
Ensuite la routine s'est installée, et je me suis blindée, avec de l'humour, des astuces et des rituels. Et pour les injections à la maison, un fameux panier en osier qui avait connu des piques-niques plus joyeux et qui participait alors à une autre forme de pique. C'était mon attirail dans un contenant plus sympa. La boite jaune pour les aiguilles, le coton, la bouteille d'alcool, la boite de gonal/ovitrelle sorti du frigo /ou autre joyeuse substance toute prête ou à mélanger, un crayon. Mon téléphone en mode alarme 5 minutes avant le créneau de piqûre pour avoir le temps, les jours de piqûres et leurs dosages inscrits sur la boite, que je barrais après chaque injection histoire de ne pas en oublier.
Il y a eu des râtés, des bleus monstrueux, des oublis de désinfecter la zone avant, des qui brûlent, des qui font des petites cloques sous la peau, des "j'ai plus d'espace sans hématomes", des ce-soir-j'ai-vraiment-pas-envie, des qui font saigner. Il y a eu des piqûres baroudeuses avec une jolie pochette isotherme en tissu, des lingettes désinfectantes et un petit pot avec couvercle. Dans la voiture éclairée au plafonnier, dans des toilettes inconnues, dans des chambres d'amis, des hôtels...c'était notre aventure en globe-piqueurs.
Quand c'était l'injection d'ovitrelle pour déclencher, je pensais à chaque fois que ça serait peut-être, non, certainement, la dernière. Que je n'en supporterais plus. Et puis je repartais, quand même.
Pour ces 150 piqûres, je remercie mes bourrelets sur le ventre à qui j'avais enfin trouvé une utilité. Je remercie l'équipe de pharmaciens qui m'ont fait des démos, ont réservé des stylos injectables à l'avance sans ordo, m'ont vue revenir après les échecs et m'ont reboostée. Je le remercie d'avoir été là prêt à serrer les dents pour venir tout près s'il fallait. Je remercie l'inventeur-trice du stylo auto-injectable parce que dis-donc, c'est quand même plus pratique. Je remercie ce mignon petit panier en osier qui a fait de ces épreuves un rituel rôdé, efficace et un peu moins désagréable en mettant une touche de personnel et de bucolique dans ce barda aseptisé. Je remercierais presque la PMA qui me fait maintenant ricaner quand j'ai une petite piqûre de rien du tout à faire...
Bizarrement, depuis qu'elle est arrivée, bébé nuage n'a encore jamais pleuré pendant une piqûre.