Avant l'aventure PMA, le temps coulait tranquille chez les nuages. Ruisseau de projets qui mûrissent et avancent, de moments effrénés puis de pauses bienvenues, de rythme de vie tranquille et simple.
Et puis les aiguilles se sont détraquées. Le tic-tac biologique qui devenait assourdissant. Les calendriers d'essais bébé auxquels je rajoutais des pages et des pages. Et la PMA, l'école de la patience forcée quand le temps est compté. Déjà au 1er rdv, avec 5 mois d'attente, on aurait dû comprendre que notre temps d'impatience et la réalité du protocole étaient opposés. A chaque fois qu'on tentait de prévoir et programmer, les résultats nous jouaient des tours; ça ne mûrissait pas assez vite, ou trop vite, le labo fermait pour nettoyage (!!??), notre gynéco partait en vacances, on avait une échéance pro super importante pile ce jour-là....bref, on ne pouvait plus compter sur le temps. Il se mesurait en cycles et en retours de J1, en créneaux, en heures parfois pour les injections. Les projets de sorties et de vacances devaient se prendre avec option d'annulation. Tout se calculait avec des plans B, "au cas où"... Pressés par les équipes ("on continue", "on enchaîne", "on passe vite à la dose supérieure"), mais en même temps contraints d'accepter l'attente, et peut être pas toujours armés pour lutter contre le plomb du temps infertile. Plus de temps ou de plans comme repères, juste l'autre et son soutien.
Alors que chez les nuages on est plutôt organisés et prévoyants, la pma a été un trou noir temporel dans lequel la maîtrise du temps -et de plein d'autres choses encore- devait nous échapper. Obligés de subir les reports, de voir revenir les anniversaires, de répondre "on ne sait pas quand", ou "peut-être" à beaucoup de questions.
Et puis le réveil sonne. Je suis enceinte, enfin. Mais bon, on s'emballe pas. (nous on était prêts à nous emballer depuis des années pourtant). On retient la joie, on retient les grains de sable du sablier pour passer les premiers mois délicats. On retient notre souffle. Je passe ma grossesse à la maison, j'entends le tic-tac de mes horloges qui marque ces neuf mois d'attente. Bizarrement j'étais impatiente mais je ne me suis jamais ennuyée. Il fallait attendre mais je savais pourquoi.
Puis les horloges s'emballent. Un accouchement qui transforme une dizaine d'heures de travail en un souvenir fulgurant. Le sablier coule à nouveau quand elle arrive. Et plutôt en mode accéléré même. Déjà on rentre, déjà les habitudes de vie à trois, déjà la reprise du boulot (à deux mois bébé nuage est en nounou, ça se passe bien. moi je reprends à 100% et je mets quelques semaines avant de sentir le contre-coup).
Le temps se transforme en moments de lumières et en coups de barre. On invente le terme des "minutes de velours" quand on peut se poser et qu'elle dort.
Et puis elle se fabrique son propre rythme. Et elle grandit. Elle est couche-tôt, lève-tôt comme ses parents, enfin presque, avec quelques heures de moins le matin quand même.
Elle a relancé nos montres arrêtées. Elle rend le temps plus précieux. Elle bouscule les notions de priorités et de choses à faire.
Elle a bientôt six mois.
Une demi-année qui a déjà pesé plus fort que des années de temps gelé à l'attendre.
Le temps est élastique, je le sais bien maintenant.