Je m'en souviens comme si c'était hier. J'en avais vaguement entendu parler, j'avais lu des articles. Et pourtant je ne m'y attendais pas, à cette vague d'émotions pendant la nuit de "Java"...
Bébé nuage est née à l'heure du goûter un mercredi. La 1ère nuit est vite arrivée. Elle avait encore des réserves et devait se remettre des efforts éreintants de son arrivée, elle roupillait béatement. Je n'avais plus aucune réserve mais j'étais encore shootée aux hormones, je devais me remettre des efforts éreintants de son arrivée, je la regardais béatement sans dormir une minute. Mes zygomatiques étaient coincés en mode "bonheur", papa nuage avait les mêmes yeux "écarquicernés". On a fini par dormir, à la lueur doucement orangée d'une jolie veilleuse renard. Même pas mal.
Et puis le lendemain, je me remets debout, on reçoit de rares visites des très proches (on avait prévenu tout le monde: on vous aime mais merci d'attendre le retour à la maison). On s'extasie, on se découvre.
Et la nuit arrive. Et boum, bébé nuage se met en mode "fin du monde". On a loupé un truc? Elle veut quoi ? Où faut-il appuyer pour qu'elle se calme? Couche et biberons faits, donc c'est pas ça. On respire longuement, on en appelle à la relaxation, aux paroles apaisantes, aux caresses...c'est pire. Papa nuage est désemparé, désespéré, au bord de la crise de nerfs. Moi de même. On va pas appeler pour ça quand même ? Bah si, on appelle. Et on fait bien. Parce que le personnel, même à 3heures du mat, est souriant et rassurant. "C'est normal", "ce n'est pas vous qui faites mal", "elle a besoin de comprendre ce qui lui arrive", "rassurez-la c'est tout", "ça va passer". Tout le couloir est en mode alarme. Ils se donnent le mot ou sont-ils connectés ? Non madame, c'est la 2ème nuit pour vos voisins aussi. Au moins on ne stresse pas de réveiller les autres. Certaines mamans demandent la pouponnière pour pouvoir dormir, je les comprends mais papa nuage est avec moi et je n'ai pas trop douillé après l'accouchement ni eu de césarienne, je devrais survivre.
Ouais mais elle hurle quand même, et cette nuance de rouge pour son visage, c'est homologué dans le normal ? Ce qui m'a rassurée c'est que même dans les bras des puéricultrices, bébé nuage hurlait tout pareil. sauf qu'elles, elles restaient zen et tranquilles. Ha bon, ben on va faire pareil alors. Et on essaie un peau à peau in the bed, barricadées de coussin de grossesse, de barrières si jamais je m'endors avec elle dans les bras, les auxiliaires me la coince dans un bandeau sur la poitrine. C'est chaud, c'est doux, c'est confortable et je m'endormirais bien...mais pas bébé !
Et puis je me lève avec elle, et puisqu'on a laissé la lumière de la salle de bains allumée (astuce des auxi: on laisse allumé et on entrouve la porte), je fais des aller-retours entre le lit et le halo de lumière. Et elle semble aimer ça. Ou pas, mais peu importe. Je me dis que finalement je vais y arriver. Et puis que si elle pleure non-stop tant pis, je resterai là autant de temps qu'il le faut pour qu'elle se calme. Qu'elle est quand même absolument magnifique. Mon trésor hurlant qui se calme peu à peu. Et pour peu le halo scintille et j'entends des musiques douces: je me sens dans une bulle d'amour. une bulle qui nous entoure, nous et son papa à quelques mètres dormant tout de travers dans un fauteuil-lit, la tête sous un oreiller. Et j'ai comme une incroyable révélation de puissance, une certitude d'absolu: on est là pour elle, tout va bien se passer. Je n'avais pas eu de déflagration d'amour quand je l'avais prise dans mes bras en l'accouchant la veille, juste une évidente attraction et peut-être un sentiment de devoir. Mais là, dans ces heures pâles du petit jour, j'ai certainement enfin le temps et la place pour rencontrer réellement ma fille. Sans témoins, sans mode d'emploi à suivre que ce dont j'ai envie. Je lui répète "je suis ta maman, tu es mon étoile". Elle me regarde de ses yeux de charbon perçants, elle pèse de plus en plus dans mes bras, elle se détend et moi aussi. Et je me marre presque, à me voir dans le miroir avec mon ventre flasque, mes cheveux en bataille et mes bras verrouillés sur ma toute petite si précieuse. Qui dort enfin, qui sourit même. Comme si elle avait compris un truc. Moi pas encore mais je ne m'inquiète plus.
En tout cas cette nuit de Java, c'est un de mes souvenirs les plus forts de sa naissance. Débutée dans le chaos total et l'effrayant sentiment d'impuissance, achevée dans la tendresse. Quand j'en reparlais un peu à ma super sage-femme quelques jours plus tard, elle me disait que la nuit de Java (2ème ou 3ème nuit des bébés, pas obligatoire mais très courante) était à la fois un moment de décharge d'émotions pour les nourrissons mais aussi un temps d'intense fragilité pour les parents qui réalisent leurs responsabilités, quand la pression de l'accouchement retombe, quand on se retrouve seuls à gérer un bébé et qu'on plonge dans l'inconnu. C'est un cocktail détonnant de merveilleux et d'angoisse, enflammé par la fatigue et les hormones.
J'imagine que les nuits de Java se vivent différemment pour chacune d'entre nous. Je suis étonnée quand même qu'on en parle si peu aux futures mamans (ou est-ce moi qui n'ai rien enregistré des conseils post-accouchement?) La nôtre finalement n'était pas si dramatique mais intense et fondatrice de nos liens, c'est certain. Les réveils nocturnes piquent encore mais ne m'effraient plus maintenant, et se raréfient hors période de dents. Et quand il arrive que bébé nuage pleure, je repense souvent à cet épisode, et je pense que j'ai le même sourire épuisé mais ravi en la berçant.
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